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LE GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ (GNL) : LE NOUVEL ELDORADO DE L'ÉNERGIE?


Le XXIème siècle sera-t-il "l'âge d'or du gaz" comme le prédit l'Agence Internationale de l'Energie (AEI)? Depuis une dizaine d'années le secteur gazier est en effervescence, avec une consommation mondiale qui croît de plus de 2% par an, le gaz devrait devenir en 2040, la seule énergie fossile enregistrant un taux de croissance positif. Une belle revanche contre le charbon et le pétrole qui ont chacun eu leur siècle de gloire( XIXe et XXe). Les raisons? Un prix toujours plus bas, une forte augmentation de sa production au niveau mondial et le titre d'énergie fossile la moins carbonée par rapport à ses concurrents (pétrole, charbon). Cet engouement mondial pour le gaz nécessite un réseau de distribution qui est aujourd'hui en passe d'être bouleversé par une petite révolution: le gaz naturel liquéfié (GNL).





Le GNL, trois lettres en une explication


Tout d'abord intéressons-nous au gaz naturel. Issu de la décomposition d'organismes vivants microscopiques (planctons, algues), il se trouve naturellement sous forme gazeuse dans les roches terrestres et maritimes. Composé à 95% de méthane, il émet après combustion principalement de la vapeur d'eau et du dioxyde de carbone ( CO2). Il présente l'avantage de générer 30 à 50% d'émissions de CO2 en moins par rapport aux autres énergies fossiles (pétrole, charbon...). De fait, le développement de l'énergie gazière est une des solutions intéressantes dans le but de réduire les émissions mondiales de dioxyde de carbone, principal facteur du réchauffement climatique. Cependant comment expliquer que le gaz naturel, présentant des avantages certains ( bon rendement énergétique, réserves abondantes, demande croissante, et pollution limitée) en comparaison aux autres énergies fossiles soit aujourd'hui relégué à la troisième place dans le bilan énergétique mondiale (derrière le pétrole et le charbon)? L'explication principale se tient dans la nature même de cette énergie qui se trouve à l'état gazeux, ce qui rend plus difficile son transport vis-à-vis du pétrole et du charbon. La distribution du gaz naturel est essentiellement assurée par voie terrestre via un réseau de gazoducs. Ce mode de transport transfrontalier se révèle d'une part très coûteux ( presque 40% du coût technique total) et d'autre part d'une relative fiabilité en raison de l'insécurité des zones à traverser ( conflits armés et troubles internes étatiques proche des gazoducs). Or La distribution qui constituait le frein principal au développement de l'énergie gazière est aujourd'hui en passe d'être levé par une évolution technique révolutionnaire : le gaz naturel liquéfié. Procédé inventé dès les années 1960, à une époque où le pétrole régnait sans partage, il a retrouvé un regain d'intérêt aujourd'hui dans le contexte de l'augmentation du prix du pétrole et de la transition énergétique. Ce procédé consiste à refroidir le gaz naturel après son extraction, permettant de le rendre liquide à partir de -160°C. La liquéfaction du gaz facilite son stockage mais surtout son transport. Désormais le GNL a la possibilité d'être distribué à l'échelle mondiale sur des navires méthaniers, à l'instar de son concurrent direct, le pétrole. Depuis quelques années , la progression du GNL dans le marché mondial du gaz naturel est fulgurante en atteste les chiffres des volumes échangées, avec 100 millions de tonnes par an en 2000 puis 244 millions en 2004, le GNL devrait représenter 370 millions de tonnes en 2020. Le GNL représente aujourd'hui 1/3 des échanges totaux de gaz mais pourrait courant 2023 atteindre plus de 40%. Cette évolution dans le transport du gaz a pour conséquence l'internationalisation du marché gazier, et modifie par la même occasion la géopolitique mondiale de l'énergie.


Le GNL, facteur de bouleversements géopolitiques





Grâce au GNL, le gaz naturel s'insère désormais dans un marché mondial, lui qui était jusqu'ici cantonné à exister uniquement sur des marchés régionaux ( nord-américain, européen et asiatique). L'internationalisation futur du marché du gaz naturel conduira vraisemblablement à des changements significatifs sur le plan géopolitique. La liste est non-exhaustive, mais attardons-nous sur trois pistes prospectives.


La première concerne la puissance américaine qui pourrait opérer sa seconde "révolution gazière" après celle de l'exploitation du gaz de schiste, selon les termes de Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'énergie(AIE). Les années 2000 ont marqué une augmentation considérable de la production de gaz de schiste liée à la progression technologique dans le secteur. Si bien que les Etats-Unis sont passés du statut d'importateur à celui d'exportateur depuis 2017, du jamais vu depuis 60 ans! Ils sont désormais le premier producteur mondial de gaz naturel et cherche à exporter leur surplus à l'étranger par le biais du GNL. Selon l'agence américaine d'information sur l'énergie (EIA), les Etats-Unis pourraient devenir le 3e exportateur mondial de GNL d'ici 2020 (derrière l'Australie et le Qatar), contribuant ainsi à "la domination américaine en matière d'énergie" voulue par Donald Trump.


Le deuxième changement géopolitique notable se situe en Europe. L'internationalisation du marché du gaz naturel pourrait permettre à l'Europe de diversifier davantage ses approvisionnements en gaz naturel, qui sont à l'heure actuelle largement dépendants de la Russie. En effet, l'entreprise russe Gazprom qui fournit actuellement 1/3 des besoins européens en gaz naturel demeure un puissant levier de pression au service du Kremlin face à ses partenaires européens. Dans leur quête de diversification, les pays européens s'appuieraient à l'avenir sur des importations de GNL venus d'Afrique (Algérie, Nigéria), des Etats- Unis ou du Moyen-Orient.


Enfin, le développement du GNL bénéficie à des puissances émergentes au premier rang figure le Qatar, qui de part un investissement massif dans l'industrie du GNL est aujourd'hui le premier exportateur au monde talonné de près par l'Australie. Cet dernier devrait en 2019, détrôner le Qatar et devenir le premier exportateur mondiale de GNL. La liquéfaction du gaz naturelle est une aubaine pour la plus grande île de la planète car elle peut désormais exporter par bateau ses immenses réserves de gaz, principalement à destination du marché asiatique qui représente environ 50 % de la demande mondiale en GNL avec le Japon, la Corée du Sud et la Chine en tant que principaux importateurs. D'autres pays en voie de développement profitent également de l'augmentation mondiale de la demande en GNL à savoir principalement la Malaisie et l'Indonésie en Asie ainsi que l'Algérie et le Nigéria en Afrique.



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Alors que rien ne semble résister à l'expansion du GNL dans le marché énergétique, qui selon les prévisions enregistrerait 5% de croissance annuelle jusqu'en 2030 (source Total). Le nouvel "or noir" pourrait cependant rencontrer des obstacles quant à son expansion dans les années futures. Outre le fait que le gaz soit encore associé dans l'inconscient collectif à des risques d'explosions (qui demeurent par ailleurs très marginaux), le principal problème dans le développement de l'utilisation du GNL comme énergie viendrait plutôt d'un sous-investissement dans ce secteur énergétique selon une étude menée par le groupe Royal Dutch Sell. Les résultats de l'étude qui paraît de prime abord surprenant au vu de l'évolution croissante de la demande mondiale de GNL, s'explique par le coût d'investissement considérable dans les infrastructures nécessaires à ce marché (terminaux de liquéfaction, terminaux de regazéification) corrélé à une tendance des acheteurs de gaz à conclure des contrats à court terme plutôt qu'à long terme, rendant ainsi plus incertains les bénéfices à long terme pour les investisseurs. L'avenir radieux promis au GNL n'est donc pas encore assuré, et dépendra d'une part de la réduction de son prix face aux autres énergies et d'autre part de la volonté politique des grandes puissances quant à sa valorisation dans le cadre de la transition énergétique.


Pierre Clouet

Fevrier 2019

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